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Tribune de Dominique Letourneau

"Pratiques avancées paramédicales, encore un peu de courage politique !"

Publié le 09/01/2017 Temps de lecture : 4 min

Tribune de de Dominique Letourneau, président du directoire de la Fondation de l'Avenir :

« Débat récurrent depuis de nombreuses années, les pratiques avancées en soins ont trouvé, par la Loi de santé du 26 janvier 2016, leur reconnaissance législative. Mais dans les faits rien n’est réglé. Il faudra attendre les textes d’applications – s’ils sortent –  pour savoir réellement ce que l’on entend en France par pratiques avancées.

Rappelons qu’en vertu du droit français, les professions de santé se composent de plusieurs catégories dont les professions médicales incluant les médecins (seuls susceptibles d’effectuer des transferts de compétences) et les professions d’auxiliaires médicaux nommées le plus souvent paramédicales.

Les pratiques avancées reposent sur le principe d’un transfert de compétence qui va au-delà d’une simple délégation d’actes ou de tâches. En santé, le droit français ne mentionne pas le transfert de compétences en tant que tel, mais la coopération entre professionnels de santé. Ce choix sémantique s’explique par les conséquences juridiques qui en découlent. Le transfert de compétences permettrait d’autonomiser l’auxiliaire médical pour des actes qui aujourd’hui relèvent du monopole médical.

Le modèle français s’est construit surtout dans une relation historique de subordination du paramédical au médical inscrite dans une conception biomédicale des soins. D’autres pays ont préféré, dans une culture de complémentarité Cure et Care, d’autres façons de définir les activités des médecins et des paramédicaux. On y constatera que très souvent l’universitarisation des formations paramédicales y est particulièrement développée, alors que cela reste encore embryonnaire en France.

Si la question des pratiques avancées a été esquissée dès 2003, c’est surtout à partir des perspectives liées à la démographie médicale (rapports du Pr Berland) qu’elle a pu être réellement envisagée. Ce qui de notre point de vue constitue une mauvaise approche, car elle ne s’aborde que sur un versant quantitatif et en tant que réponse conjoncturelle à un problème mal traité depuis au moins deux décennies.

Alors que réfléchir aux pratiques avancées, c’est prendre en compte l’évolution des besoins de santé liés au développement des maladies chroniques et des poly pathologies dans un contexte de vieillissement de la population. C’est aussi tenir compte du progrès technologique qui permet d’organiser différemment les relations entre les professionnels de santé et bien sûr celles avec les patients.

Tout le monde s’accorde sur les cloisonnements improductifs (ville/hôpital – sanitaire/médicosocial) et la juxtaposition des acteurs.
Les pratiques avancées peuvent être un levier pour une nouvelle organisation des soins, au bénéfice du patient, basée sur des modes d’exercice plus partagés et de nouvelles fonctions de coordination.

Arbitrées par les pouvoirs publics, sans véritablement trancher, les pratiques avancées restent un débat entre spécialistes aux intérêts parfois divergents, sans que la population en soit informée.

Nos concitoyens, interrogés par la Fondation de l’Avenir fin 2013, avaient exprimé un niveau d’information très faible et un niveau d’adhésion mitigé. Le plus paradoxal étant que c’est certainement les premiers bénéficiaires (personnes âgées, isolées en milieu rural) qui étaient les plus opposés. Trois ans après, il reste fort probable que nous en soyons toujours au même niveau.

Le cadre législatif des pratiques avancées est clair, mais le flou qui entoure leur conception ne permet pas d’en voir la déclinaison sur le terrain. L’écueil est grand, entre l’argumentation initiale d’une plus grande fluidité et la couche en plus sur lequel cela débouchera. Le risque étant qu’elles soient dévoyées pour répondre de façon ponctuelle à des besoins quantitatifs sans ré-interrogation de la cohérence du système ou qu’elles soient plutôt instrumentalisées pour des revendications de reconnaissance professionnelle.

Le tunnel « politique » dans lequel nous entrons ne devrait pas faciliter cette clarification essentielle pour les acteurs et les patients. Surtout parmi ces derniers, ceux qui aujourd’hui sont sans réponse. »