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Malformation du foetus (avant naissance)

Chirurgie fœtale : réparer la moelle épinière avant la naissance

Publié le 13/12/2017 Temps de lecture : 7 min

Lors du Congrès de la Fondation de l'Avenir, le professeur Jean-Marie Jouannic, chirurgien gynéco-obstétrique à l'AP-HP Armand Trousseau, est venu présenter son expérience en chirugie foetale (avant naissance) au travers de plusieurs projets soutenus par la Fondation de l'Avenir. Nous l'avons par la suite rencontré pour en savoir plus sur ses travaux.

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En collaboration avec l’équipe de Neurochirurgie de Necker (Pr Zearh), le Pr Jouannic a introduit en France la chirurgie fœtale de réparation des fœtus à cinq mois de grossesse présentant une grave malformation de la colonne vertébrale (myéloméningocèle ou spina bifida).

En 2014, vous avez réalisé une première* en France en opérant in utero un fœtus de cinq mois atteint de spina bifida. De quoi souffrent ces enfants à naître ?

Le spina bifida correspond à une ouverture anormale de plusieurs vertèbres au niveau du dos du fœtus. Il s’agit de la malformation la plus fréquente du système nerveux central, qui concerne en moyenne 1 grossesse sur 1 000. Chaque année en France, près de 800 enfants sont touchés par cette malformation. Dans plus de 90 % des cas, cette malformation est diagnostiquée avant la naissance par échographie. L’exposition de la moelle et des racines nerveuses sorties de la colonne conduit à des lésions irréversibles qui sont responsables d’une paralysie complète des jambes et d’une anomalie de contrôle des sphincters. De plus, par le biais d’une fuite du liquide céphalo-rachidien, cette malformation a des conséquences sur le cerveau fœtal dont la partie postérieure s’affaisse progressivement en cours de grossesse. Ce qui provoque une dilatation des cavités cérébrales (hydrocéphalie) pouvant compromettre le développement des acquisitions des enfants après la naissance.

Quels sont les bénéfices pour les jeunes patients apportés par l’opération que vous avez introduite en France ?

Cette intervention pratiquée depuis plusieurs années aux États-Unis consiste à réaliser un abord de la cavité amniotique par voie conventionnelle (chirurgie à ciel ouvert). Après avoir réalisé une ouverture de la paroi de l’utérus sur environ 5 cm, on peut manipuler le fœtus pour avoir accès à la malformation au travers de cette petite ouverture (le fœtus demeurant à tout moment dans l’enceinte utérine). La réparation de la malformation consiste à recouvrir la moelle épinière extériorisée en réparant par une suture l’enveloppe, puis à suturer la peau et les muscles du bébé. Finalement la technique est très proche de celle pratiquée chez le nouveau-né. Cette opération, qui dure près de trois heures, nécessite le travail conjoint de chirurgiens gynéco-obstétriciens et de neurochirurgiens pédiatriques. Au cours de l’opération, le liquide amniotique est remplacé en permanence. Comparé à une opération après la naissance, les bénéfices pour le bébé sont plus importants. Cette intervention permet de stopper la fuite du liquide céphalo-rachidien au niveau de la malformation et de protéger le cerveau du fœtus d’une accumulation de liquide. Dès les premières semaines d’évolution, on constate un impact positif sur cette malformation et sur le cerveau fœtal. C’est un élément clé pour les capacités d’apprentissage de ces enfants après la naissance.

Quelles ont été les principales étapes pour aboutir à cette réussite qui permet d’offrir une nouvelle solution aux parents et à leur bébé ?

Il a fallu plus de 15 ans de chirurgie fœtale réalisée sur des modèles animaux pour mieux comprendre les myéloméningocèles et apprendre à les réduire in utero. Chaque erreur commise, qui provoquait une fausse couche, était un apprentissage précieux. C’est cet entrainement, au cours duquel nous avons appris à maitriser toutes les particularités d’une telle intervention, réalisée en milieu utérin, et sans abîmer les membranes maternelles, qui nous permet aujourd’hui de proposer à des couples une solution pour leur enfant. C’est une opération très délicate, avec un patient de très petite taille, dont les tissus sont à la fois extrêmement fragiles et doués d’une capacité de cicatrisation extraordinaire. L’un des aspects les plus importants de cette chirurgie est la bonne préparation de l’utérus et la protection des membranes pour éviter les risques de rupture prématurée des membranes ou d’accouchement prématuré. Pour offrir des conditions optimales aux mères et aux enfants, et garantir que les membranes fœtales restent bien accolées à la paroi de l’utérus maternel, nous avons notamment fait le choix de tout faire au contrôle de la vue et non par suture automatique. J’estime que cela permet de mieux assurer la fixation des membranes aux berges de l’ouverture de l’utérus de la mère et ainsi de limiter au maximum le risque de rupture prématurée des membranes et d’accouchement prématuré.

Quel a été le rôle de la Fondation de l’Avenir dans l’introduction de cette nouvelle technique en France ?

Au sein de l’hôpital Trousseau, qui est centre référent pour ces familles, nous avons reçus 71 couples qui nous ont été adressés de toute la France. Tous les couples ne peuvent pas ou ne souhaitent pas recourir à cette technique, mais 10 familles ont pu en bénéficier depuis la première fillette opérée avec succès en 2014. À partir du moment où un essai américain avait montré l’intérêt de cette solution technique pour l’enfant à naître, il nous était apparu non éthique de ne pas la proposer aux parents qui ne souhaitent pas opter pour une interruption médicale de la grossesse après diagnostic prénatal de cette malformation. L’introduction de ce soin dans notre pays est une réussite qui n’est pas du tout liée au hasard. Il y a 15 ans, j’ai obtenu une bourse de la Fondation de l’Avenir qui m’a permis de créer un modèle animal montrant comment cette malformation empêchait un développement cérébral normal et d’envisager d’agir chirurgicalement sur la pathologie au cours de la grossesse. L’aide de la Fondation est capitale. Elle est le soutien indispensable qui permet le développement des projets à tous les stades, du lancement de la recherche à l’application pour les patients.

Quelles sont les perspectives d’avenir pour cette chirurgie fœtale que vous développez en France ?

La chirurgie amoindrit le handicap des enfants mais nous voudrions faire encore mieux. En particulier nous continuons à développer des techniques de réparation moins invasive par fœtoscopie. Mais actuellement ces techniques ne permettent pas d’obtenir des résultats aussi bons que ceux obtenus par chirurgie à ciel ouvert. Nous souhaitons en parallèle utiliser également des techniques de thérapie cellulaire qui nous permettraient de réparer les lésions de moelle épinière, voire de régénérer des structures nerveuses. L’idée serait de recouvrir la malformation avec un patch ensemencé de cellules souches. La deuxième piste thérapeutique d’importance actuellement explorée est liée au caractère toxique du liquide amniotique auquel sont anormalement exposés les tissus sortis de leur protection naturelle. L’enjeu sera de comprendre quelles sont les molécules les plus toxiques afin de mieux les contrecarrer.

* Quelques semaines avant l’annonce de cette première en France, le Pr Jouannic avait reçu le Prix AFCM lors des Trophées 2014 de la Fondation de l’Avenir.

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