Santé des femmes

La santé des femmes constitue un champ d’étude et d’action à part entière, qui ne se limite pas aux pathologies gynécologiques. Elle recouvre à la fois des dimensions médicales, sociales, culturelles et juridiques, et met en lumière des inégalités persistantes entre les sexes. En France comme ailleurs, les femmes vivent plus longtemps que les hommes, mais elles se déclarent en moins bonne santé et sont davantage exposées à certains troubles chroniques et psychiques.

Des stéréotypes ancrés dans le droit et la pratique médicale

Une recherche médicale incomplète

Pendant longtemps, les femmes ont été largement exclues des essais cliniques, au nom de leur « vulnérabilité » ou du risque de grossesse. Cette absence a eu des conséquences directes : la mise au point des traitements a surtout été pensée à partir du corps masculin, limitant l’efficacité et l’adaptation des médicaments aux besoins des femmes. Aujourd’hui encore, cette inégalité dans la recherche reste un enjeu majeur à corriger pour garantir une médecine plus équitable.

Une santé souvent réduite à la maternité

Dans le droit de la santé, les femmes apparaissent souvent comme des sujets spécifiques uniquement lorsqu’il est question de reproduction : grossesse, maternité, contraception ou interruption volontaire de grossesse. Cette focalisation tend à réduire la santé des femmes à leur fonction maternelle, comme si leurs besoins médicaux en dehors de ce cadre étaient secondaires.

Des pratiques médicales encore paternalistes

Cette vision centrée sur la reproduction contribue à légitimer certaines pratiques médicales paternalistes, où les femmes voient leurs choix encadrés ou limités. Par exemple, des délais de réflexion plus longs ou des démarches administratives renforcées dans le cadre de l’IVG ou de la stérilisation peuvent être perçus comme des formes de contrôle, plutôt que comme de réelles garanties de protection.

Des inégalités persistantes

Des comportements plus favorables, mais une santé plus fragile

Les femmes adoptent globalement de meilleures habitudes de vie que les hommes : elles fument et boivent moins, et leurs comportements alimentaires sont plus proches des recommandations nutritionnelles. Pourtant, ce bénéfice ne se traduit pas par une meilleure santé déclarée. Elles sont plus nombreuses à se dire en mauvaise santé et rapportent davantage de douleurs chroniques, en particulier des troubles musculo-squelettiques liés à leur activité professionnelle ou domestique.

Santé au travail et santé mentale : une double vulnérabilité

Le monde du travail expose particulièrement les femmes à des risques. La souffrance psychique liée au travail est deux fois plus fréquente chez elles, et près de six sur dix déclarent des douleurs dorsales ou articulaires. Ces contraintes physiques et psychologiques s’ajoutent à une prévalence plus élevée de troubles dépressifs et d’idées suicidaires. La situation est particulièrement préoccupante chez les jeunes femmes, dont plus d’une sur quatre rapporte un épisode dépressif caractérisé au cours de l’année.

La sphère intime, un espace encore marqué par les rapports de pouvoir

Les inégalités s’expriment aussi dans la vie privée. Les expériences de violences sexuelles restent très répandues : près d’une femme sur cinq a déclaré avoir subi des rapports contraints ou des tentatives au cours de sa vie. Ces violences, qui touchent toutes les catégories sociales et tous les âges, ont un impact durable sur la santé psychique et physique, renforçant les inégalités déjà présentes dans d’autres domaines de la vie.

Le genre, un déterminant central de la santé

Le projet européen Gendhi rappelle que le genre ne doit pas être considéré seulement comme une variable biologique, mais comme un rapport social de pouvoir influençant l’ensemble des parcours de vie et des parcours de soins. L’analyse des « corps (mal)sains » et de la « cascade genrée de la prise en charge » montre que les femmes ne sont pas exposées ni traitées de la même façon que les hommes, que ce soit dans la perception des symptômes, l’accès au diagnostic, les traitements proposés ou leur suivi.

Plus qu’une donnée biologique

Le genre ne peut être réduit à une différence biologique entre les sexes. Il constitue avant tout un rapport social de pouvoir qui structure les trajectoires de vie et influence profondément la santé. Les attentes sociales, la division des rôles, mais aussi les stéréotypes associés au féminin et au masculin façonnent la manière dont les femmes et les hommes vivent leur corps, perçoivent leurs symptômes et accèdent aux soins.

Des parcours de soins différenciés

Les recherches montrent que les femmes ne sont pas prises en charge de la même manière que les hommes. Notamment celles de la docteure Peggy Reiner, ses travaux portent sur l’accès des femmes ayant subi un AVC léger aux soins intensifs neuro-vasculaires par rapport aux hommes. Ces recherches mettraient en évidence une possible inégalité de traitement qui pourrait entraîner des séquelles plus graves chez les femmes.

Les femmes rencontrent plus souvent des obstacles dans l’accès au diagnostic, avec des symptômes minimisés ou attribués à des causes psychologiques. Cette différence se poursuit dans les traitements proposés et dans leur suivi, ce qui peut retarder la prise en charge efficace et aggraver certaines pathologies.

Comprendre la « cascade genrée »

L’approche dite de la « cascade genrée de la prise en charge » met en lumière toutes les étapes où le genre intervient : de la perception et l’expression des symptômes, à la consultation, puis au diagnostic, au traitement et enfin à l’observance. À chaque étape, des biais liés aux rapports sociaux de genre peuvent conduire à des inégalités. C’est pourquoi intégrer le genre comme déterminant central est indispensable pour améliorer l’équité dans la santé et garantir une meilleure qualité de soins pour toutes et tous.

Les axes de la recherche sur la santé des femmes

Comprendre les spécificités médicales et améliorer les diagnostics

La recherche s’attache de plus en plus à corriger un biais ancien : l’invisibilisation des femmes dans les études médicales. Les travaux récents portent sur des pathologies longtemps négligées comme l’endométriose, qui touche près d’une femme sur dix, ou encore sur l’adaptation des traitements cardiovasculaires, souvent moins efficaces chez les patientes car initialement conçus à partir de données masculines. Le dépistage et la reconnaissance des symptômes spécifiques aux femmes (par exemple dans l’infarctus du myocarde ou certaines maladies métaboliques), constituent un axe prioritaire pour améliorer la précocité et la qualité des soins.

Intégrer le genre et les déterminants sociaux dans la recherche

Au-delà de la biologie, les chercheurs explorent l’impact des déterminants sociaux, professionnels et culturels sur la santé des femmes. Comment les inégalités de revenus, les conditions de travail, les violences ou encore la charge mentale influencent-elles la santé physique et psychique ? Ces travaux s’appuient sur des approches pluridisciplinaires, associant médecine, sociologie, économie et droit, afin de mieux comprendre comment les rapports de genre façonnent les parcours de soins. L’objectif est de construire des politiques de santé publique plus inclusives, capables de réduire les inégalités persistantes et de promouvoir une médecine adaptée aux besoins des femmes tout au long de leur vie.