On a en France un trésor sous-exploité : la capacité de mobilisation du privé pour l’intérêt général
Délégué général du Centre français des fonds et fondations (CFF) depuis 2024, Benjamin Blavier défend une vision ambitieuse et exigeante de la philanthropie. Dans un contexte de mutation profonde, il revient sur le rôle stratégique du CFF, les défis d’un secteur souvent méconnu, et la nécessité de réinventer la relation entre financeurs et acteurs de terrain.
Alors que les propositions de l’Inspection générale des finances pour 2026 ont suscité de vives inquiétudes, avant d’être écartées par le Premier ministre ce 8 juillet, il est plus que jamais indispensable de rappeler le rôle fondamental des fonds et fondations. À travers leurs actions, ils contribuent de manière décisive à la recherche et à l’intérêt général. Ces actions sont souvent rendues possibles grâce au mécénat, dans la mesure où les dons représentent environ 3,5 milliards d’euros sur un budget de 14,5 milliards d’euros annuels (11 milliards d’euros étant des ressources d’activités, pour les fonds et fondations opérateurs).
Pour mieux comprendre ces enjeux et mesurer l’impact potentiel des décisions à venir, nous donnons la parole à Benjamin Blavier.
Parce que les fondations ont encore besoin de se structurer, de se professionnaliser. Distribuer de l’argent n’est pas un geste neutre : cela exige des compétences, des pratiques rigoureuses, une transparence sans faille. Et dans une période de crise du monde associatif, les fondations doivent réinventer leurs modes de relation, sortir du modèle vertical pour entrer dans une logique de co-construction. C’est ce que nous soutenons, aux côtés d’une autre mission essentielle : créer des espaces d’échange, favoriser les coalitions, permettre aux fondations d’innover ensemble.
Oui, clairement. Le CFF est un lobby — un lobby de l’intérêt général. C’est atypique, mais c’est notre ADN : défendre collectivement un secteur trop souvent perçu comme discret, voire opaque. Nous représentons plus de 1 500 structures. Et si, localement, les élus reconnaissent volontiers l’apport des fondations dans la santé, l’aide sociale ou la lutte contre l’exclusion, au niveau national, la philanthropie reste culturellement fragile. À nous de convaincre que son rôle est essentiel, surtout dans une société en tension.
Oui, et elle n’est pas infondée. Ce monde peut paraître fermé, parce qu’il est extrêmement sollicité, et qu’il doit faire des choix douloureux. Mais il ne faut pas confondre sélection et isolement. Au contraire, les fondations — en particulier les fondations opératrices — ont un savoir-faire exceptionnel dans la relation à l’autre. Elles vont vers ceux que plus personne n’écoute. Elles savent parler aux fragilités. C’est une forme d’art relationnel, que nous avons voulu mettre à l’honneur cette année lors des Ateliers des Fondations.
C’est l’un des tournants du moment. La philanthropie ne peut plus être un guichet qui mesure froidement l’impact à travers des tableaux Excel. Ce qui compte, c’est le cheminement : comment une fondation choisit une cause, comment elle accompagne un projet, dans la durée, dans les difficultés. L’heure est à la transformation d’une relation de dépendance en un vrai partenariat. Cela suppose d’écouter, de faire confiance, d’accepter l’incertitude. C’est exigeant, mais c’est ce qui fait sens.
Je suis un homme de conviction. Mon combat, c’est celui de l’intérêt général, porté par des acteurs privés engagés dans un cadre non lucratif. Fondations, associations : ce sont des formes d’initiative privée irremplaçables. L’État ne peut pas tout, le marché n’ira jamais là où il n’y a pas de rentabilité. Il nous faut des structures désintéressées. Et en France, on a un formidable potentiel encore sous-utilisé. Trop souvent, on se dit que l’intérêt général, c’est l’affaire de l’État. Je pense, moi, que c’est l’affaire de chacun.
Je le vois plus européen. Car les défis que nous rencontrons — démocratie fragilisée, montée des populismes, urgence environnementale — sont partagés dans toute l’Europe. Et partout, les fondations sont appelées à jouer un rôle plus politique, au sens noble du terme. Professionnalisation, transparence, changement d’échelle : ces dynamiques sont en cours. À nous de les accompagner, sans jamais perdre de vue notre boussole : la défense de l’intérêt général, contre vents et marées.
Marion Lelouvier et Benjamin Blavier à la 19e édition de l’Atelier des Fondations
Présente à la 19e édition des Ateliers des Fondations, organisée par le Centre français des fonds et fondations, la Fondation de l’Avenir a pris part aux échanges autour du thème « L’art de la relation ». Un choix qui ne doit rien au hasard : adhérente depuis 2017, membre du conseil d’administration depuis 2022 et assurant la présidence du CFF depuis 2023, la Fondation de l’Avenir porte cette thématique comme fil rouge de son mandat. Marion Lelouvier, présidente de la Fondation de l’Avenir et du CFF rappelait à l’occasion que « Loin d’un simple mot d’ordre, « l’art de la relation » reflète un engagement quotidien : celui de soutenir durablement les chercheurs et soignants engagés dans une médecine de progrès, ancrée dans le réel, et de renforcer les alliances entre les fondations dans un esprit de confiance, de responsabilité et de dialogue. »
À Annecy, au contact d’autres fondations — opératrices, abritantes, territoriales ou d’entreprise —, cette édition a permis d’exprimer une vision exigeante : la relation ne va jamais de soi, elle se construit, s’ajuste, se cultive. Financer la recherche, ce n’est pas seulement soutenir des projets, c’est accompagner des trajectoires scientifiques dans la durée, avec rigueur, confiance et lucidité.
Dans un contexte de complexité croissante et de fortes attentes en matière d’impact, la Fondation défend une approche structurelle, ancrée, attentive aux temporalités du monde médical. Sa présence aux Ateliers témoigne de cette volonté d’être un acteur à part entière des dynamiques collectives du secteur, en lien avec les grandes alliances actuelles et à venir.