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Covid-19 : interview du Docteur Philippe GIRARD, pneumologue à l'Institut Mutualiste Montsouris...

Covid-19 : interview du Docteur Philippe GIRARD, pneumologue à l'Institut Mutualiste Montsouris et secrétaire général du conseil scientifique de la Fondation de l'Avenir

Publié le 09/04/2020 Temps de lecture : 6 min

La pandémie liée au Covid 19, mobilise depuis 2 mois l’ensemble des structures hospitalières...

La pandémie liée au Covid 19, mobilise depuis 2 mois l’ensemble des structures hospitalières qui ont dû s’adapter très rapidement à l’afflux massif de personnes présentant des symptômes d’infection respiratoire.

L’Institut Mutualiste Montsouris, à Paris, a répondu à l’appel de l’ARS qui demandait à tous les hôpitaux de réserver des lits de réanimation et de soins intensifs pour les malades du coronavirus.

En quelques jours, le centre a repensé entièrement son organisation, pour faciliter l’accueil de nouveaux patients et garantir leur prise en charge en toute sécurité.

le 31 mars 2020 , c’était environ un quart de la capacité d’accueil de l’hôpital qui est dédié à la gestion de l’épidémie. Cela représente deux secteurs de 40 lits et un secteur de réanimation soient deux étages de l’établissement

Fondation de l’Avenir : Pouvez-vous nous expliquer comment l’Institut Mutualiste Montsouris s’est adapté à cette nouvelle organisation ?
Dr Girard : L’IMM ne dispose pas de service d’urgence . Il ne reçoit pas directement les patients suspects ou porteurs du coronavirus. Les patients que nous accueillons en hospitalisation sont ceux qui nous sont adressés par les services d’urgence d’Ile-de-France, mais principalement Paris intra muros et plus particulièrement les hôpitaux de l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris (AP-HP). Les seuls patients qui sont encore vus en consultation sont ceux dont le rendez-vous était programmé et qui nécessitent une surveillance régulière. Bien entendu, les consultations et hospitalisations liées à des pathologies graves et relativement urgentes mais non liés au Covid (cancers, pneumonies, embolies pulmonaires) sont maintenues dans la mesure du possible. A l’IMM toutes les situations urgentes restent prioritaires et ceci dans toutes les spécialités.
Dans le service de pneumologie, ce sont 90% de consultations qui ont été repoussées et certains secteurs d’activité de l’IMM comme l’orthopédie « programmée » ont pratiquement cessé toute activité, pour redistribuer les moyens humains et les locaux au service des patients hospitalisés pour Covid.

FDA : Faites-vous appel à des ressources extérieures pour vous accompagner dans la prise en charge ?
Dr Girard : A l’intérieur de l’hôpital, l’apport de personnels extérieurs à l’IMM est actuellement inexistant et non nécessaire : la redistribution des moyens humains existants suffit, pour l’instant, à gérer cette crise. En revanche, nous faisons appel plus souvent et plus précocement aux centres de « soins de suite et réadaptation » (SSR) et aux services d’hospitalisation à Domicile (HAD) pour les patients sortants d’hospitalisation, Covid ou non d’ailleurs.

FDA : En pratique comment procédez-vous pour réorganiser vos consultations ?
Dr Girard : Nous avons organisé un examen systématique de toutes les consultations programmées, pour les classer grossièrement en 3 catégories : aucune urgence et possibilité de repousser la consultation de plusieurs semaines voire plusieurs mois, pas d’urgence mais organiser des examens complémentaires sans visite « physique » à l’IMM, et situations plus urgentes justifiant des décisions, consultations voire hospitalisations et interventions chirurgicales plus urgentes, notamment en cancérologie.

FDA : Vous avez une grande expérience de la pratique hospitalière. Selon vous, les établissements de soins sont-ils aujourd’hui suffisamment préparés au risque épidémique ?
Dr Girard : Ce qui est inédit dans ce que nous vivons aujourd’hui est le nombre de patients et le besoin massif de lits d’hospitalisation conventionnelle mais aussi et surtout en réanimation. Nous sommes formés à prendre en charge les maladies infectieuses hautement contagieuses nécessitant un isolement (la tuberculose par exemple) mais nous ne sommes pas préparés à gérer une épidémie de cette ampleur et de cette rapidité d’évolution, associées à l’absence de traitement spécifique, du moins pour l’instant. D’ailleurs, très peu de centres le sont. Les services de santé militaires sont eux en revanche formés à gérer ces situations et la polyvalence des médecins militaires est très utile dans ce contexte.

FDA : Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur le fonctionnement de votre établissement ?
Dr Girard : Nous vivons un moment exceptionnel ou soignants et non soignants travaillent en complémentarité dans des métiers pour lesquels ils ont été formés et qu’ils exercent avec fierté. Ce type de crise est aussi un révélateur du tempérament de chacun.  Des chirurgiens se transforment en médecins, font la visite et participent aux gardes sur place dans les unités Covid. Des médecins deviennent formateurs pour aider le personnel de soins et les équipes administratives, les secrétaires notamment, à gérer cette situation au mieux.

FDA : A ce propos, le personnel est-il systématiquement dépisté pour le coronavirus ?
Dr Girard : Non, il n’y a pas de dépistage « systématique », mais des tests sont évidemment réalisés en cas de suspicion clinique d’infection.

FDA : En tant que membre du conseil scientifique de la Fondation de l’Avenir, vous participez chaque année à l’évaluation de projets de recherche portés par des hôpitaux et des laboratoires de recherche.
Pensez-vous, au regard de la situation actuelle, que certaines voies de recherche devront désormais être privilégiées ?

Dr Girard : Le clinicien que je suis a toujours eu une préférence pour la recherche « clinique » (impliquant des patients), plus que sur la recherche fondamentale, même si les deux sont évidemment complémentaires. Mais oui, je pense qu’il faut inciter les médecins chercheurs à développer plus de projets en lien avec le parcours de soins et pour cela à construire leur protocole de recherche clinique avec des infirmiers et des professionnels du paramédical. A ce titre, le conseil scientifique de la Fondation de l’Avenir a toujours été particulièrement attentif aux projets en lien avec une application clinique et proche du patient.


Un grand merci au Docteur Philippe GIRARD d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. Nous souhaitons bon courage à tout le personnel impliqués de l’IMM.

Pendant la période de confinement, retrouvez-nous ici chaque semaine afin de lire un éclairage sur la situation grâce à un acteur de la santé en lien avec la Fondation de l’Avenir.
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